Maison de qualité

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On ne fait du bon qu'avec du très bon ( Prosper Montagné )

jeudi 30 août 2012

A découvrir par Alain Kritchmar, Une gueule d'atmosphère le long du Canal Saint-Martin

Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ? Vous vous souvenez d'Arletty dans Hôtel du Nord de Marcel Carné? En fait le canal n'a pas une gueule d'atmosphère, il est une atmosphère. Sans Eugène Dabit, son plus célèbre écrivain, jamais personne ne l'aurait su, il en a fait un lieu mythique. L'auteur du livre Hôtel du Nord n'a pourtant jamais cherché à embellir son quartier, mon quartier. Tout comme lui j'aimais son côté populaire, gouailleur, artisanal. Témoin de son temps, il a décrit avec réalisme la vie ordinaire d'un canal qui ne l'est pas. Un canal tragique, laborieux, Venise de barrière plutôt que Paris-Plage. Jadis les quais de Valmy et de Jemmapes n'étaient pas vraiment un lieu de promenade. Et quand on se jetait à l'eau du haut d'une de ses passerelles, ce n'était pas pour prendre un bain les jours de grande chaleur, mais pour en finir une fois pour toute avec sa vie. Mais c'était toute la poésie du Paris de Carné, de Prévert, de Simenon, Bruant, de Doisneau...Avec eux le canal s'est bâti une légende, il est devenu une star.
Eugène Dabit : << Des fenêtres de l'Hôtel du Nord on voit le canal Saint-Martin, l'écluse où attendent les péniches, des usines et des fabriques, des maisons de rapport. des camions montent vers le Bassin de la Villette, descendent vers le faubourg du Temple, non loin de la gare de l'Est, de la gare du Nord. Le soir, on entend le bruit d'une écluse. On traverse une région morne : eaux dormantes, quais déserts, où Léon-Paul Fargue et Jules Romains portèrent leur pas >>.
Moi je suis né près du canal Saint-Martin, j'ai grandi le long de ses berges. J'allais à l'école quai de Jemmapes dans des locaux préfabriqués que l'on appelait  "les wagons" par ce qu'ils ressemblaient à des wagons de chemin de fer. L'hiver notre maître d'école mettait du charbon dans l'unique poêle qui chauffait la classe. On gardait, jusqu'au moment où il ferait plus chaud, nos duffles coat. Lorsque ça gelait au dehors on cassait avec nos porte plumes une mince pellicule de glace qui recouvrait nos encriers en arrivant le matin dans la classe. On rigolaient bien avec les copains.
Rue Beaurepaire, rue de Marseille il y avaient les tanneurs, ça sentait le cuir, j'aimais bien cette odeur. Un peu plus loin, la rue de la Douane avec ses entrepôts du même nom. J'allais avec ma grand-mère à la Foire à la Ferraille et au Jambon le long du boulevard Richard Lenoir, les marchands déballaient de la rue du faubourg du Temple jusqu'à la Bastoche de chaque côté du boulevard. De temps en temps je levais la tête pour voir si je pouvais apercevoir le commissaire Maigret à sa fenêtre, puisque Georges Simenon l'avait logé à cet endroit.
J'ai aimé ce quartier comme tout les gosses qui aiment le quartier de leur enfance. J'ai aimé ce quartier populaire peuplé d'artisans, de petits commerçants, de bougnats. J'ai aimé le vitrier qui passait dans la rue en criant "vitrier, vitrier". J'ai aimé les chanteurs de rue à qui l'on jetait quelques pièces enveloppées dans un morceau de journal pour ne pas qu'elles roulent dans le caniveau. J'ai aimé le marchand de pains de glace l'été qui passait  avec sa carriole tirée par un vieux canasson portant des oeillères. J'ai aimé les gardes Républicains sur leur cheval le dimanche matin au printemps qui regagnaient leur caserne place de la République avec leur fanfare à leur tête et les bruits des sabots de leurs chevaux sur les pavés de la rue Beaurepaire. J'ai aimé les Magasins Réunis, aujourd'hui disparus, place de la République où j'allais avec ma grand-mère repérer les jouets au moment de Noël pour préparer ma liste.
J'ai aimé tout ça. Il n'en reste bien entendu plus grand chose aujourd'hui. Le quartier est devenu "bobo" les créateurs de mode ont investi le coin, fini le populeux, place aux fringues branchées, aux décorateurs et décoratifs design, aux cafés et bistrots à la mode, le dimanche place aux vélos, aux rolleurs et promeneurs en tout genre puisque les quais sont fermés à la circulation. Bah c'est pas mal non plus, ça change, faut évoluer, moderniser, mais je vous l'avoue j'ai  une petite nostalgie lorsque je me promène à présent le long des quais de mon canal en me remémorant les parties de " lance cailloux" que nous faisions glisser avec les potes sur le canal gelé en hiver, c'est drôle de repenser à tout ça façon Doisneau, en noir et blanc, j'sais pas pourquoi, mais j'ai la gorge serrée et les yeux un peu embués...
Allez trêve de nostalgie, je vous donne quand même quelques bonnes petites adresses si l'envie vous prenait de vous baladez dans le coin et de manger un petit quelque chose :
Le Verre Volé au 67 rue de Lancry ( c'est tout près )
Sur les Quais au 37 quai de Valmy
Hôtel du Nord ( he oui c'est devenu un restaurant branché) au 102 quai de Jemmapes
Point Éphémère au 200 quai de Valmy
Le Bistrot des Faubourgs au 55 rue des Vinaigriers ( c'est juste à côté )
La Marine au 55bis quai de Valmy
Sésame au 51 quai de Valmy
Poêle de Carotte au 177 quai de Valmy

ps: le quai de Valmy c'est celui  descend après le  Bassin de La Villette vers la République, le quai de Jemmapes c'est celui qui va dans l'autre sens, pouvez pas vous tromper.







4 commentaires:

  1. c'est vrai que les 10e et 11e arrondissement ont bien changés ça reste toutefois l'un des coins de Paris que je préfère surtout le dimanche quand on peut se promener en marchand au milieu de la rue le long du canal
    Monique

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  2. c'est presque une description à la Prévert avec les photos de Doisneau, bravo mon cher
    Gérard

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  3. la nostalgie du canal, des films en noir et blanc et les photos en sepia c'est tout le Paris de l'après guère , c'est aussi celui de ma jeunesse, tout fout le camp Alain , tout fout le camp
    Jeannot

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  4. rappelez-vous aussi d' Augustin Legrand et les Enfants de Don Quichotte qui ont investi les berges du canal dans la nuit du 15 au 16 décembre 2007. Il n'en reste rien aujourd'hui, on en parle plus et qu'avons nous fait pour ces sans abris ? rien , pire on a créé de nouveaux sans abris , tout le monde s'en moque
    Patrick

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